La décision des électeurs britanniques de quitter l’Union européenne (UE) a créé un choc sur les marchés et elle contribuera sans aucun doute à faire planer une certaine incertitude pendant une longue période. Partout dans le monde, les marchés boursiers sont durement éprouvés, la livre sterling a connu une chute sans précédent, les prix des produits de base, à l’exception de l’or, plongent, et les taux d’intérêt sont en forte baisse. Les banques centrales, particulièrement la Banque d’Angleterre, promettent de faire le nécessaire pour offrir de la liquidité et endiguer le chaos financier. Mark Carney, gouverneur de la Banque d’Angleterre et opposant déclaré au Brexit, a rassuré les marchés en déclarant que la Banque sera présente, en tant que prêteur en dernier ressort, pour atténuer le choc des institutions financières. Les banques et les compagnies d’assurances sont durement touchées, mais les entreprises dans le monde entier qui font des affaires avec le Royaume-Uni ou en Europe sont confrontées à des questions inquiétantes qui risquent de ne pas trouver de réponses avant plusieurs mois ou années. De plus, les fonds spéculatifs et les autres investisseurs partout dans le monde qui ont été coincés du mauvais côté de cet échange font des pieds et des mains, ce qui laisse présager une liquidation des actifs risqués pendant au moins quelques jours.

Malgré tout, les investisseurs ne doivent pas prendre panique et tout vendre. Il s’agit d’une occasion d’achat pour les investisseurs à long terme. Simultanément, il ne faut pas tenter d’anticiper les marchés. Personne ne peut deviner le moment où ils seront à leur plus bas et l’anticipation ne fonctionne jamais. Les Canadiens qui ont des munitions peuvent penser à acheter leurs actions favorites alors qu’elles sont ébranlées par le vote britannique.

Sur le plan politique, le vote et la démission subséquente du premier ministre britannique David Cameron sont une indication frappante de la tendance mondiale vers le nationalisme, l’isolationnisme et la xénophobie. Partout dans le monde, les démagogues populistes trouvent un auditoire accueillant alors que le 1 pour cent supérieur qui a bénéficié de la mondialisation et du libre-échange n’a pas réussi à partager la richesse. Dans tous les pays, la vaste classe moyenne a été malmenée par des pressions qui ont poussé la production vers la main-d’œuvre à bon marché des économies émergentes ou qui ont remplacé leurs emplois par la technologie. Dans toutes les économies avancées, la croissance du revenu a stagné pour tous, sauf pour les plus riches d’entre eux, ce qui a mené à un jeu de reproches particulièrement désagréable. De toute évidence, les immigrants, les minorités, le libre-échange et les pouvoirs sont les boucs émissaires, que ce soit aux États-Unis ou en France. Donald Trump, l’exemple le plus frappant d’une telle démagogie populiste, qui se trouve d’ailleurs en Écosse aujourd’hui, a soutenu le Brexit et a louangé les Britanniques pour avoir repris leur pays.

Les élites qui prennent à la légère ce sentiment grandissant le font à leur propre péril. Cela contribue à expliquer le mouvement populiste dans la campagne électorale américaine que l’on constate tant de la gauche (Bernie Sanders) que de la droite

(Donald Trump). Les principaux économistes appuient le libre-échange et la mondialisation. Mais l’inégalité croissante des revenus crée un baril de poudre propice à l’exploitation. Les promesses de « ramener les emplois » et « les États-Unis (la Grande-Bretagne) d’abord » ont allumé cette fureur et, comme nous venons tout juste de le constater, ces forces peuvent gagner au péril de pertes financières et économiques.

Pour le moment, les conséquences les plus immédiates seront des taux d’intérêt plus bas. Non seulement la Banque d’Angleterre et la Banque centrale européenne s’assoupliront davantage, mais les banques centrales de la Suisse et du Japon le feront également. Quant à la Réserve fédérale américaine, de laquelle on s’attendait à une hausse des taux d’intérêt encore une fois en septembre, elle demeurera probablement à l’écart.

La Banque du Canada attendra et verra ce qui se produit. Le dollar canadien se maintient plutôt bien actuellement, bien que les actions bancaires canadiennes soient durement touchées, subissant une baisse d’un peu plus de 2 pour cent au moment d’écrire ces lignes. Environ seulement 4 pour cent du commerce canadien se fait avec l’Europe et plus ou moins 3 pour cent avec la Grande-Bretagne. Les investisseurs fuient vers les refuges sûrs que sont le dollar américain, le Trésor américain et, dans une certaine mesure, les actifs canadiens qui sont aussi des refuges sûrs. Cela étant, des taux d’intérêt qui demeurent très bas pourraient stimuler davantage les marchés du logement déjà surchauffés de Toronto et de Vancouver.

Conclusion : bien que cela ne soit pas une bonne chose pour notre économie, les répercussions négatives seront plutôt modérées. Néanmoins, les turbulences financières et l’incertitude continueront pendant un certain temps, ce qui n’est jamais favorable pour établir la confiance et, par conséquent, pour la prise de risques et les dépenses

 

Source : Dre. Sherry Cooper
Économiste en chef, Centres hypothécaires Dominion
drcooper@dominionlending.ca