Personne ne s’attendait à ce que la Réserve fédérale américaine augmente les taux aujourd’hui malgré les critiques que certains ont formulées à son endroit pour son manque de crédibilité. Quand le taux des fonds fédéraux pour le financement à un jour a d’abord été augmenté à la fin de l’année dernière, le Federal Open Market Committee (FOMC) prévoyait alors quatre hausses de taux cette année. Maintenant, la plupart des membres du comité estiment qu’il n’y aura que deux hausses et un nombre croissant en prévoient seulement une. Pourquoi la Réserve fédérale est-elle devenue si conciliante?

La réponse réside dans les données économiques décevantes du premier trimestre, avec une croissance d’à peine 0,8 pour cent, dans la faiblesse du rapport sur l’emploi de mai et dans la montée de l’incertitude mondiale, particulièrement en ce qui a trait à la possibilité imminente du Brexit. De récents sondages effectués au Royaume-Uni suggèrent que la perspective de quitter l’Union européenne a pris de l’ampleur. Bien que je croie que ces sondages exagèrent le vote pour « quitter », les prix des obligations du gouvernement ont grimpé partout dans le monde, ramenant les taux d’intérêt dans le territoire négatif en Allemagne pour la toute première fois, alors que le capital se déplace dans des refuges plus sûrs. Le vote aura lieu dans seulement huit jours, soit le 23 juin, et il est évident que la Réserve fédérale n’a pas d’intérêt à augmenter les taux devant une telle incertitude.

La décision de rester à l’écart a été unanime pour la première fois depuis janvier. Le FOMC s’attend à ce que l’économie américaine rebondisse au cours du trimestre actuel et que les gains en matière d’emploi augmentent encore une fois, alors que l’inflation demeurera faible.

La Réserve fédérale considère que le taux des fonds fédéraux « normalisé » à long terme se situe entre 3 et 3,5 pour cent. Actuellement, il reste à un faible 0,25 à 0,5 pour cent, suggérant qu’il est peu probable qu’il atteigne des niveaux normaux avant 2018.

Pendant ce temps, la politique monétaire des États-Unis et du Canada demeure extrêmement accommodante. La Banque du Canada n’augmentera pas les taux cette année, même si elle exprime des préoccupations en ce qui concerne les niveaux élevés d’endettement des ménages par rapport à leur revenu.

Dans la récente Revue du système financier de la Banque du Canada, la banque centrale a signalé un « risque accru » dans l’industrie hypothécaire alors que les

acheteurs, particulièrement à Toronto et à Vancouver, se placent dans une situation financière difficile dans le but d’intégrer le marché du logement.

La part des nouveaux prêts hypothécaires accordés en 2015 qui a dépassé 450 pour cent du revenu d’un emprunteur a atteint 15 pour cent l’an dernier, ce qui représente une hausse par rapport au 12 pour cent affiché l’année précédente. Il y a eu des avertissements répétés selon lesquels l’inflation des prix à Vancouver et à Toronto, qui est alimentée en partie par les investissements étrangers, est excessive, cela faisant en sorte que les acheteurs d’une première propriété prennent des risques imprudents quant au fardeau de leur dette.

La banque centrale, les gouvernements provinciaux, les présidents et chefs de la direction des banques à charte, le ministre des Finances Bill Morneau, le FMI, l’OCDE et les innombrables pontifes affirment que ces ménages surendettés sont dangereusement vulnérables au ralentissement économique ou à la hausse des taux d’intérêt. Bon nombre réclament de l’action pour endiguer le flux des achats étrangers, mais la Banque du Canada laisse les autorités fiscales décider des prochaines étapes qui seraient appropriées, le cas échéant. Selon le gouverneur Poloz, la politique monétaire n’est assurément pas l’outil approprié.

Le marché de l’habitation est stagnant ou faible partout au pays, à l’exception de la région du Grand Toronto et de la région métropolitaine de Vancouver, ainsi que de leurs environs. Les prêts hypothécaires en souffrance n’ont pas augmenté et le logement demeure l’une des pierres angulaires les plus importantes de l’économie canadienne, du moins pour l’instant.

Source : Dre. Sherry Cooper  Économiste en chef, Centres hypothécaires Dominion