Avez-vous fait un mandat de protection ? Ce serait une excellente idée, car un AVC ou un accident d’auto, ça peut fondre sur vous à n’importe quel âge. Sans prévenir.

Parlez-en à Normand Jutras, curateur public du Québec, qui visite régulièrement des CHSLD. Il en voit, des histoires tristes. Il y a deux semaines, par exemple, il était dans le Bas-Saint-Laurent auprès d’un jeune homme terrassé par une série d’AVC à 39 ans.

Inapte malgré ses 44 ans, il est cloué à son fauteuil gériatrique. Il ne peut plus lire, plus compter, plus tenir une conversation. Il est en institution pour le reste de sa vie. Sous la protection du Curateur public. Comme la vaste majorité des jeunes, il n’avait pas de mandat de protection.

« L’inaptitude peut survenir à n’importe quel âge. Ça fait partie de la réalité. Ça nous guette tous », insiste M. Jutras.

Heureusement, 42 % des Québécois ont un mandat de protection, un gain de 6 points de pourcentage depuis 2010, selon un sondage dévoilé hier par le Curateur. Une belle avancée pour cette procédure qui n’a seulement qu’un petit quart de siècle.

N’empêche, le mandat de protection reste moins populaire que le testament dont 58 % des Québécois sont dotés. C’est comme si les gens étaient davantage préoccupés de ce que l’on fera de leurs biens après leur mort que de ce qu’il adviendra d’eux-mêmes le jour où ils n’auront plus toute leur tête !

Il faut dire que le mandat de protection, autrefois nommé mandat en cas d’inaptitude, demeure encore mal compris. D’abord, certains le mélangent avec la procuration.

En fait, la procuration est un contrat par lequel vous donnez la permission à quelqu’un d’autre de s’occuper de vos biens (ex : gérer vos investissements, payer vos comptes) tant et aussi longtemps que vous êtes apte à le surveiller. La procuration tombe à l’eau si vous êtes déclaré inapte.

Le mandat de protection prendra alors le relais. Il permet de désigner à l’avance une personne qui veillera sur vous et sur votre patrimoine, si jamais vous devenez inapte.

Mais plusieurs faux obstacles font que la majorité des Québécois n’ont toujours pas de mandat de protection. Déboulonnons donc quelques mythes qui empêchent les gens de passer à l’action…

« Ça coûte trop cher »

Si vous croyez qu’un mandat de protection coûte cher, sachez qu’il est possible de le faire vous-même gratuitement en suivant le formulaire disponible sur le site internet du Curateur. Vous pouvez aussi vous en procurer un en librairie, moyennant une dizaine de dollars.

Si vous consultez un notaire, le prix peut varier entre 300 et 500 $. Comme le document sera notarié plutôt que devant témoins, il sera un peu plus simple de le mettre en application. Mais dans un cas comme dans l’autre, les procédures d’homologation coûteront environ 1000 à 2000 $.

« Je ne sais pas qui nommer comme mandataire »

La plupart des gens qui ont fait leur mandat ont nommé leur conjoint, leurs enfants ou leurs frères et soeurs comme mandataire. Mais vous pourriez aussi bien désigner un parent plus éloigné ou un ami en qui vous avez confiance. C’est votre choix.

Et rassurez-vous si vous êtes gêné de demander un service aussi important : presque neuf répondants sur 10 affirment qu’ils accepteraient volontiers d’agir au nom d’un de leurs propres s’il devenait inapte.

« Trop compliqué : je ne sais pas comment faire »

Si vous pensez que la préparation d’un mandat est trop compliquée, dites-vous que ce le sera 100 fois plus pour votre famille si vous n’en faites pas.

Sans mandat, il faudra organiser une assemblée de parents et d’amis qui ne s’entendront peut-être pas sur le choix du mandataire. Dans le cas d’une famille recomposée, les discussions peuvent être particulièrement féroces. Tout cela risque de semer la discorde.

« J’ai peur qu’on me déclare inapte trop vite »

Plus de la moitié des Québécois (58 %) pensent à tort que le mandat de protection peut entrer en vigueur dès qu’un médecin ou un travailleur social donnent leur feu vert. Cette étape est effectivement essentielle. Mais il faut aussi que le mandat soit soumis au tribunal avant d’être homologué. Tout cela ne se fait pas en claquant des doigts. Et la personne concernée doit aussi être interrogée par un juge, un greffier ou un notaire pour évaluer son inaptitude.

« Je suis jeune, pas besoin »

À peine 14 % des jeunes de 18 à 34 ans ont fait un mandat. Les autres se disent : pas besoin, je suis en pleine santé ! Même les personnes plus âgées ont souvent le réflexe d’attendre jusqu’à la dernière seconde pour y voir. Un oubli par-ci par-là, bof, pas grave, j’ai encore toute ma tête. Oui, mais quand la maladie d’Alzheimer sera bien installée, il sera trop tard. Impossible de faire un mandat en cas d’inaptitude quand on est déjà inapte. Il faut y penser avant. Pourquoi pas maintenant ? Il n’est jamais trop tôt.

QUI ONT-ILS DÉSIGNÉ COMME MANDATAIRE ?

CONJOINT : 43 %

ENFANTS : 42 %

FRÈRES OU SOEURS : 20 %

PARENTS : 5 %

AMIS : 4 %

NEVEUX OU NIÈCES : 3 %

LES RAISONS INVOQUÉES PAR CEUX QUI N’ONT PAS DE MANDAT

JAMAIS PENSÉ : 23 %

ENCORE JEUNE ET EN BONNE SANTÉ : 19 %

PARESSE : 19 %

NE SAIT PAS : 15 %

NE VOIT PAS L’INTÉRÊT : 8 %

NE SAIT PAS COMMENT FAIRE : 8 %

COÛTE TROP CHER : 5 %

Source : Sondage réalisé par BIP pour le Curateur public du Québec auprès de 1000 Québécois. La marge d’erreur est de + ou – 3,1 %, 19 fois sur 20.

 

Source de l’article : Stephanie Grammond  Publié le 25 juin 2016 à 05h00 | Mis à jour le 25 juin 2016 à 05h00

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